(Argument d’Emmanuel Macron à propos du dérèglement climatique)
Ceux qui ont conduit au naufrage sont disqualifiés
Alors que nous sommes sans arrêt sommés de nous repentir d’un passé lointain réduit à l’esclavage, au colonialisme, au patriarcat blanc hétéronormé homophobe, chrétien (et +), aucune culpabilité ne pèse sur les responsables gouvernementaux des dernières années.
Pourtant il fut un temps où, en France, les ministres déchus étaient poursuivis en justice afin de rendre compte pénalement des fautes politiques qu’ils avaient commises dans l’exercice de leurs fonctions. En 1830 tout le dernier gouvernement de Charles X s’est ainsi retrouvé condamné et, pour ceux qui n’avaient pas fui à l’étranger, incarcéré en raison de leur action politique. C’était bien sur excessif de pénaliser celle-ci a posteriori et illusoire de confier cette tâche à des magistrats. Pourtant les volontaires pour exercer ces fonctions ne manquèrent pas. A Riom en 1941, la tentative du régime de Vichy d’appliquer cette volonté de punir ceux qu’on considérait responsables d’un désastre acheva de discréditer cette pratique. A la Libération, les condamnations pénales infligées pour faits de collaboration n’allaient pas marquer l’histoire de la Justice : tous les magistrats français sauf un avaient prêté serment à Pétain. Cela ne les empêcha pas d’être les serviteurs zélés du nouveau régime comme ils l’avaient été du précédent.
A priori on peut s’en réjouir même s’il serait hasardeux de penser que l’envie d’y recourir ne reviendra pas un jour de mauvais temps. Ce n’est pas une raison pour passer à l’extrême inverse. Or non seulement plus personne n’est responsable de rien mais ceux qui ont conduit à un désastre sont ceux-là mêmes qui nous disent encore comment nous en sortir, sans aucune pudeur et surtout sans l’analyse des conséquences de leurs choix passés, ce qui les condamnerait au moins au silence. La guerre actuelle en Ukraine en est le parfait exemple.
La fin de l’URSS
Car c’est dès l’effondrement du mur de Berlin et la dislocation de l’Union soviétique que tous ceux qui savaient de quoi on parlait ont alerté sur les dangers en Urss d’une guerre civile du type de celle qui allait au même moment ravager l’ex Yougoslavie, mais cette fois à une échelle bien plus grande, pouvant même opposer de nouvelles républiques disposant chacune de l’arme nucléaire.
Or à ce moment de leur histoire les Russes ont fait preuve d’un calme et d’une sagesse remarquables. Personne n’y a pris les armes pour se venger d’un passé pourtant cruel. La Russie a accepté d’assumer seule les dettes de l’ancien empire et les républiques sur le territoire desquelles étaient installées des armes nucléaires ont transmis celles-ci à la Russie évitant ainsi une prolifération d’Etats possédant la bombe atomique. Gorbatchev était partisan du maintien sous une forme renouvelée de l’Union soviétique, perspective qui avait recueilli en mars 1991 l’assentiment très majoritaire des populations concernées consultées par un vote démocratique. Mais le coup d’Etat contre lui orchestré par les tenants du statu quo allait considérablement l’affaiblir. Puis Eltsine, emporté dans sa course avec son rival, finalisa en décembre 1991 la séparation amiable entre la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie. Sans remettre en cause les anciennes frontières intérieures mais en maintenant leur union dans une Communauté des Etats Indépendants (CEI). Pour les naufragés de l’Urss c’était un échouage inespéré et tant pis si tous savaient que certains problèmes avaient été tus, au premier rang desquels le sort de l’Ukraine dont l’entité étatique dans ses limites de 1991 était une création soviétique récente puisqu’elle ne remontait qu’à 1945, avec en plus le cas particulier de la Crimée qui lui avait été rattachée en 1954.
Arrogance et lâcheté occidentale.
Immédiatement des voix autorisées s’élevèrent pour souligner le caractère spécifique de l’Ukraine dans cet exceptionnel dénouement pacifique. Hubert Védrine vient de le rappeler en février 2023 : « dans les dix à quinze premières années après la fin de l’URSS, ce sont d’abord des réalistes américains, vétérans de la guerre froide, Kissinger en tête, mais aussi George Kennan ou encore Jack Matlock (ex-ambassadeur américain à Moscou, qui disait qu’on ne peut pas à la fois étendre l’Otan et avoir une Russie démocratique), John Mearsheimer, et même Zbig Brzezinski, qui n’avaient aucune « complaisance » pour le régime russe, encore moins pour Poutine, qui ont mis en garde contre le triomphalisme aveugle des États-Unis. L’accord d’association Europe-Ukraine, conçu sous influence polonaise, coupait économiquement l’est de l’Ukraine de la Russie. C’était une provocation grave qui a eu des effets désastreux…Entre 1992 et 2017, on a donné de la verroterie diplomatique à la Russie tout en faisant avancer l’Otan…La pire décision a été celle de l’Otan en 2007 à Bucarest : proclamer que l’Ukraine avait vocation à rentrer dans l’Otan, mais pas tout de suite ! C’était agiter le chiffon rouge de l’adhésion (donc de la Crimée et de Sébastopol dans l’Otan) sans protéger l’Ukraine par l’article 5. C’était aberrant. Quand Merkel et Sarkozy ont bloqué l’entrée, j’étais d’accord, car j’espérais que les idées de neutralité à la Brzezinski étaient encore applicables, mais en réalité c’était trop tard. Soit il fallait établir cette neutralité dans les années 1990 – c’est mon avis -, soit il fallait faire entrer l’Ukraine dans l’Otan et garantir Sébastopol pour la Russie. Ce non-choix, combiné au ratage de l’accord d’association, conduisait à une guerre avec une Russie redevenue nationaliste et revancharde. » Védrine en conclut que « l’Occident a fait une double erreur : celle de l’arrogance dans les années 1990 et celle de la lâcheté dans la période la plus récente. »
La sacralité des frontières
La perspective de voir la Crimée et la base navale de Sébastopol, seul accès aux mers chaudes pour la marine russe, fruit de siècles d’efforts de la Russie, être intégrées dans l’Otan allait donc inéluctablement conduire les autorités russes à vouloir stopper un processus enclenché malgré leurs protestations répétées. Certes, pour ceux qui avaient cru à la fin de l’histoire, à la paix éternelle, au triomphe définitif de l’économie de marché et du doux commerce, c’était mal ! C’était contraire au droit international et à l’intangibilité des frontières, allaient gémir ceux qui avaient accepté voire participé aux bombardements de Belgrade et à la destruction de l’Irak et de la Libye. Que le rattachement de la Crimée à l’Ukraine ait été historiquement récent et politiquement arbitraire n’avait aucune importance. Que l’existence même d’un Etat ukrainien dans ses frontières actuelles soit récente et ne prenne sa source que dans l’univers soviétique devenait sans objet. Les frontières, dont la plupart ne connaissaient ni le tracé ni l’histoire, étaient sacrées. Circulez, il n’y a rien à voir !
Or les frontières intérieures des républiques soviétiques au sein de l’Urss étaient, comme c’est le cas de tous les empires, sinon secondaires et artificielles, du moins n’avaient pas la valeur de frontières internationales, reconnues comme telles par la communauté internationale. Il en était de même des frontières que la France avait tracé au sein de son empire colonial. Il arrivait qu’on les changeât comme on aurait modifié en métropole la délimitation d’un département. La Haute Volta fut ainsi créée de manière totalement artificielle en 1919 en taillant dans la colonie du Soudan. Elle fut ensuite supprimée en 1933 et partagée entre ce dernier, la Côte d’Ivoire et le Niger. Les chefs Mossis ayant exigé sa reconstitution en échange de leur soutien à l’effort de mobilisation en 1940, elle fut rétablie après la guerre dans ses limites de 1919. On pourrait continuer les exemples, en particulier s’agissant du Mali dont les frontières ont été tirées au cordeau lors un arbitrage entre les troupes de Marine venant de l’Afrique occidentale et celles de l’Infanterie venant d’Algérie. Qu’elles rassemblent des peuples qui n’avaient rien à voir entre eux et dont une partie, les Touaregs, ne reconnaitraient jamais l’autorité des Noirs, n’avait aucune importance puisque seul le pouvoir colonial s’imposait à tous. Bien évidement dès lors que celui-ci disparaitrait la situation calme jusque-là allait devenir explosive. Par légèreté, aveuglement ou déni, nous y sommes. Ou plus exactement les populations concernées y sont exposées à d’extrêmes violences parfaitement prévisibles.
Les Occidentaux et la Russie
Alors feindre que l’attaque russe contre l’Ukraine est le fruit de la démence d’un dictateur qui porte seul la responsabilité de la tragédie puisque c’est lui et lui seul qui a attaqué son voisin est une plaisanterie, une dernière lâcheté, ou le dernier avatar d’une manipulation ancienne.
Car c’étaient les mêmes qui avaient acclamé Boris Eltsine, surtout quand il paradait ivre mort, à la grande honte de ses concitoyens. C’étaient eux qui, au nom de la transition vers l’économie de marché, avaient participé à la bacchanale obscène qui dura une bonne dizaine d’années après l’effondrement de l’Urss. Le plus grand pillage d’Etat jamais réalisé et qui n’aurait jamais pu avoir lieu sans l’implication directe des grandes entreprises occidentales et du système financier contrôlé par l’Occident.
Que la Russie ait basculé depuis 30 ans vers un Etat mafieux n’avait pourtant jusque-là guère gêné les occidentaux, les Britanniques ayant poussé le blanchiment des millions de dollars d’argent sale au rang de sport national. De même que l‘attribution généreuse et grassement tarifée de passeports européens aux oligarques russes ne suscitait aucune indignation de ces « responsables ». Tout ceci était documenté et su des « responsables » occidentaux, ce qui n’empêcha pas Macron d’inviter Poutine en grande pompe à Versailles au début de son premier septennat et à Brégançon quelque mois avant que celui n’abatte ses cartes.
C’est pourquoi après 30 ans d’arrogance ou d’aveuglement et maintenant que la guerre est là, il serait prudent de ne pas écouter ceux qui nous y ont conduit. D’abord ceux qui depuis la fin de l’Urss n’ont cessé de tailler dans les budgets militaires parce que la guerre, n’est-ce pas, c’est mal. Au point que l’on découvre avec effroi que nous ne sommes pas en état de faire face à une guerre du type de celle à laquelle les Ukrainiens se sont courageusement préparés depuis 8 ans. Sont aussi discrédités les pacifistes d’hier qui, face à la réelle menace soviétique qui pesait sur nous, préféraient « être rouges que morts ». Les voir se transformer en foudre de guerre exigeant le sang des autres les disqualifie. D’autant qu’ils sont incapables de mobiliser leurs propres enfants éduqués dans le mépris du service militaire et pour lesquels mourir pour la patrie est une bouffonnerie. Avec le dédain de tout ce qui est commun, ce qui fonde une société et une nation : « C’est mon choix » et peu m’importe ce que fait le voisin à qui j’accorde la même liberté, parce qu’au fond je n’ai rien à voir avec lui et qu’il m’indiffère.
Les pompiers pyromanes
Avec l’agression russe, le camp du Bien, que le retrait pitoyable d’Afghanistan quelques mois plus tôt avait fait douter de lui-même, allait retrouver sa raison d’être. Mieux, et comme si cela ne suffisait pas, elle allait permettre de réécrire l’histoire. Ainsi Madame Merkel, coresponsable des accords de Minsk, allait fin 2022 déclarer benoitement qu’en fait ceux-ci n’avaient jamais été qu’un leurre pour donner aux Ukrainiens le temps nécessaire à s‘entrainer et à s’armer en vue d’une guerre inévitable. Dans ce cas, la Russie ne pouvait que s’exaspérer des déclarations intempestives visant à bien amarrer l’Ukraine à l’UE et à l’Otan. Mme Merkel aurait-elle menti pour s’attribuer a posteriori le beau rôle, en tout cas un rôle meilleur que celui, avec F. Hollande, de dindons de la farce ou de fossoyeurs des accords de paix ? Au moins Hollande nous épargne-t-il jusque-là ses conseils. Ce qui n’est pas le cas de Macron qui a hérité depuis plus de 5 ans de la responsabilité de l’application des accords de Minsk et qui n’en a rien fait. Mais à eux personne ne demandera des comptes.
Les incendiaires, Etats Unis en tête, se font donc désormais pompiers, humanitaires, bien sûr, au nom des « valeurs » selon l’argument utilisé ad nauseam par l’Occident depuis un siècle et demi. Aux grincheux on accordera in fine que s’il est vrai que tout avait été fait pour intégrer l’Ukraine dans l’Otan, c’était une démarche pacifique, sans un coup de fusil, qui ne menaçait personne et surtout pas la Russie ! Comme si l’agression ne venait que de la résistance que vous oppose finalement celui à qui vous ne vouliez que du bien : ô surprise, qui aurait pu la prévoir ?
L’Europe c’est la paix
C’est donc le moment de donner corps à l’argument bien connu : « l’Europe c’est la paix ». Alors que dans la sidération générale, l’Europe se transforme en un instrument de guerre au profit d’un Etat qui ne fait partie ni de l’UE ni de l’Otan. On voit là l’erreur stratégique qui a été commise en favorisant par principe l’extension de l’UE vers l’est. Nous voilà cobelligérants du fait d’un pays candidat à l’adhésion et qui n’a pas réglé ses comptes avec son voisin. Plus exactement : qui se sert de cette candidature pour imposer à son voisin un nouveau rapport de force, ce qui est jouer avec le feu et surtout qui est inacceptable pour nous. Pourtant dans la foulée de l’Ukraine, l’UE dans son inconscience et sa suffisance a déjà accepté le principe de la candidature de la Géorgie, dont le caractère européen avait jusque-là échappé à tous les géographes mais dont nous avons hélas tous les jours la preuve qu’elle n’en a pas fini de ses conflits avec ses voisins. Nous faudra-t-il demain, en dehors de tout mandat international, faire la guerre à la Turquie et à l’Azerbaïdjan pour protéger les Arméniens ?
La résistance ukrainienne force le respect et l’agression russe doit être condamnée. Mais cela ne fait pas de leur guerre la nôtre. De même que l’on peut comprendre que les Polonais n’aient confiance qu’en les USA et qu’ils aient un lourd contentieux mémoriel avec la Russie. Mais dès lors que leur sort est lié au notre chacun doit se retenir. Faute de quoi l’édifice commun se délitera. Tant pis, tant mieux ? Il vaudrait mieux le dire tranquillement plutôt que d’être prochainement entrainés là où on ne veut pas ou être obligés de rompre brutalement avec ceux qui nous y forcent.
La fin de l’Occident gendarme du monde
Il est donc plus que temps de revenir à la seule recherche d’une sortie diplomatique à la crise. Pour les belligérants c’est trop tard, hélas, puisque la guerre est toujours et d’abord la conséquence d’un échec politique. Mais pas pour ceux qui ne sont pas co-belligérants, qui ne veulent pas l’être et qui savent qu’il y aura nécessairement un après.
A cet égard c’est en vain que ceux qui ont amené au désastre tentent de culpabiliser ceux qui leur résistent en évoquant contre eux à contre-emploi le précédent de Munich en 1938 alors qu’il faudrait plutôt évoquer Aout 1914, si tant est que ce genre de comparaison soit bien fondée. De même qu’ils qualifient de poutinistes ceux qui savaient depuis longtemps, parce que cela était public, la nature profondément dangereuse de Poutine et au-delà celle de tout un système. Un ancien espion du KGB, formé au mensonge et au bluff permanents mais obsédé par la « grandeur » de la Russie, soviétique si besoin est, ultra capitaliste après l’échec du communisme. Peu importe. Un homme issu du cœur de l’Etat profond, celui qui rassemble ceux qui, avant même l’effondrement de l’Urss, déjà sous Andropov, avaient anticipé le naufrage et préparé la suite, la préservation de l’Etat et sa renaissance, fut-ce avec les armes, les habits et le langage de ses adversaires. Un homme qui, s’il devait être renversé le serait, non pas par un soulèvement populaire, mais par une décision de cet Etat profond qui est toujours là derrière les apparences et que nous avons du mal à conceptualiser tant il nous est étranger. Un homme dont les comportements autoritaires et violents sont nourris par toute une histoire, celle d’un Etat qui n’a jamais été obligé à la moindre remise en cause comme l’Allemagne y a été contrainte à Nuremberg. Un homme enfin encouragé par l’église orthodoxe qui porte une énorme responsabilité dans la constitution d’un imaginaire spirituel et religieux dans lequel baigne tout un peuple appelé à s’en remettre et à se soumettre au nouveau Tsar.
Quant à ceux qui pensent maintenant pouvoir imposer un nouveau régime à Moscou ils ne font que répéter les mêmes âneries que nos aïeux avaient déjà entendues au début du XIXe siècle contre l’émir de Kaboul, puis contre l’empereur de Chine, contre Abd el Kader, contre Rabah, contre Juarez, contre les Moghols de Delhi, contre le Khédive, contre le Mahdi, contre El Hadj Omar Tall, contre Samory Touré, contre Béhanzin, contre les Boxers, contre Abd el Krim. Les mêmes âneries que nos pères ont entendu contre Hô Chi Minh, contre Nasser, contre Ferrat Abbas, contre Lumumba. Les mêmes âneries que nous avons entendu contre Saddam Hussein, contre Kadhafi, et contre tant d’autres « nouveaux Hitler », diabolisés comme on entend dire aujourd’hui que Poutine est un monstre qui se nourrit de sang.
C’est la rengaine de l’Occident depuis un siècle et demi. Avec le résultat que l’on sait. C’est aussi cette page-là qui se tourne et qui explique que la Russie soit loin d’être isolée. A l’Assemblée générale de l’ONU le 23 février 2023 ce sont 32 pays dont l’Inde et la Chine qui ont refusé de la condamner. C’est que la grande majorité des peuples, qui aspirent à la paix et à la sécurité, refusent que les occidentaux continuent de se croire missionnés pour faire la police mondiale en leur nom. Le temps des colonies, celui de la diplomatie de la canonnière, et plus généralement celui de la domination occidentale qui a marqué pour le meilleur et pour le pire notre planète depuis 5 siècles, est terminé. Or aux USA certains se croient toujours autorisés à intervenir militairement selon une définition du bien qui n’appartient qu’à eux. Et ils trouvent toujours en Europe des alliés indéfectibles qui craignent tellement leur ombre qu’ils préfèrent aboyer avec les Américains de peur que ceux-ci ne les abandonnent.
Les voies de la diplomatie
Alors que des sanctions économiques et financières soient prises contre la Russie, c’est normal. Mais pas plus et à condition que ceux qui les décident en aient la légitimité internationale, et non sous la seule pression des USA. Rappelons que la France a eu récemment à subir les méfaits de cet impérialisme lors de l’amende incroyable de plusieurs milliards d’euros qui fut imposée à la banque BNP pour ne pas avoir respecté à la lettre les sanctions américaines unilatérales contre l’Iran. Qui alors s’en est ému parmi les plus belliqueux européens aujourd’hui ? Maintenant que les USA menacent de sanctionner la Chine si celle-ci se permettait d’aider la Russie, on voit où nous ont amené ce délire impérial.
Au demeurant il était plus que temps de rompre le rapport névrotique que l’UE sous pilotage allemand avait établi avec la Russie. L’invraisemblable dépendance au gaz russe pourrait à elle seule justifier une commission d’enquête tant son résultat, parfaitement prévisible et dénoncé par certains au premier rang desquels les autorités américaines, est dramatique. De même que d’avoir aligné sur celui du gaz le prix de l’énergie dans l’UE. Là encore personne n’aurait de comptes à rendre ? Avoir cru que le doux commerce allait arrimer la Russie à l’Occident se révèle une erreur tragique, celle constante de celui-ci de prêter à autrui ses propres modes de pensée, sans seulement imaginer que la Russie restait ce qu’elle avait toujours été. Ses récentes interventions en Syrie, les bombardements aveugles des civils, la destruction de villes entières, le martyre d’Alep pourtant classée au patrimoine mondial de l’humanité, avaient montré qu’elle ne s’embarrassait pas de nos standards moraux. Et elle avait une revanche à prendre. Si la corruption, l’appât du gain et la loi de la jungle y régnaient en maitres, ce qui ne nous gênait pas, elle serait pourtant prête à rompre ses liens avec l’occident. Ce qui allait remettre en cause tant de fortunes accumulées avec notre ingénierie financière. Les oligarques, anciens voyous adulés en occident où leurs yachts imposants et leurs achats ostentatoires faisaient rêver la presse people, se verraient brutalement rappeler l’origine de leur fortune. Ceux qui tenteraient de s’exonérer de leur solidarité le paieraient de leur vie, selon la loi mafieuse à l’origine de leur fortune qu’ils étaient les seuls, malgré leurs beaux costumes, à ne pouvoir ignorer.
Cela montre que le discours réducteur porté sur la Russie était faux et a conduit à des tragédies. Un régime strictement mafieux ne se serait pas lancé dans cette aventure. C’est donc que la Russie est certes mafieuse mais pas seulement. Elle s’est servie de moyens mafieux pour accélérer sa reconstruction et reprendre la place politique qu’elle estime la sienne. Or cette ambition, Poutine l’avait clairement exprimée depuis plusieurs années en particulier à Munich en 2007. Il avait dit publiquement ce qui serait inacceptable pour la Russie, et avait signifié que la simple perspective d’une adhésion de l’Ukraine (comprenant alors la Crimée) à l’OTAN serait une ligne rouge à ne pas franchir. On peut bien sur considérer que cette prétention était infondée mais on ne devait pas la négliger, s’en moquer, la prendre à la légère. Il fallait soit la respecter soit se préparer à un conflit sérieux, et le faire savoir. On n’a fait ni l’un ni l’autre. Voilà l’origine de la guerre actuelle. « Qui aurait pu la prévoir ? » : eh bien justement les « responsables » politiques en charge, qui ont tous des comptes à rendre et qui au contraire exigent maintenant qu’on fasse silence autour d’eux.
Oui, une rupture avec ce passé récent est à assumer. Il faut la conduire avec prudence pour ne pas s’infliger plus de dégâts que ceux que nous subissons déjà. En tout cas sans roulement de tambours guerriers car nous ne sommes pas en état de mener cette guerre. Quand on n’a pas les moyens de sa politique on se contente d’avoir la politique de ses moyens. Et patiemment on agit pour s’en donner d’autres.